La révolution de l’imprimerie (au milieu du XVe siècle)

La révolution de l’imprimerie (au milieu du XVe siècle)
D’un progrès technologique à une ère nouvelle

La mise au point de l’imprimerie typographique a un impact considérable sur la diffusion des idées : c’est elle qui rend possible la propagation rapide de la Réforme.

Bible de Gutenberg à 36 lignes © Société Biblique

Gutenberg perfectionne la technique

Le mérite de Johannes Gutenberg (vers 1400-1468), imprimeur allemand, est d’avoir rendu facilement exploitable l’ensemble du procédé de composition typographique :

  • des caractères mobiles à la fois résistants (alliage d’antimoine et de plomb) et d’obtention facile par coulée dans des moules,
  • la composition du texte,
  • des presses à bras.


Atelier d’imprimerie au XVIe siècle

Son associé, Peter Schoeffer, imagine de remplacer les moules en sable par des matrices en cuivre.

Gutenberg réalise la première impression de la Bible, aux « 42 lignes » en latin, à Mayence vers 1455.

Une révolution culturelle

L’invention est très vite mise en application, d’abord en Allemagne, puis dans toute l’Europe : à la fin du XVe siècle, on a imprimé environ 25 000 titres, ce qui correspond, avec des tirages à 500 exemplaires, à douze millions de livres.

Les livres imprimés sont beaucoup moins coûteux que les manuscrits. Les prix baissent. Au début de l’imprimerie, moins de 10% de la population sait lire. L’apprentissage de la lecture est stimulé par la diffusion des livres.

L’imprimerie contribue à fixer les textes et permet de répandre les idées, notamment celles des humanistes, puis celles de la Réforme. La Bible peut être lue et comprise grâce à sa traduction complète en allemand, en français et en anglais.

Bibliographie

GILMONT Jean-François (dir.), La Réforme et le livre. L’Europe et l’imprimé (1517-v. 1570), Éditions du Cerf, Paris, 1990

Source : https://museeprotestant.org/

L’édit de Fontainebleau ou la Révocation (1685)

En octobre 1685, Louis XIV signe l’édit de Fontainebleau qui révoque l’édit de Nantes. Il interdit tout exercice de la religion protestante et toute émigration des protestants. Les pasteurs, eux, sont bannis.

Édit de Fontainebleau : révocation de l’édit de Nantes

Le contexte

À partir de 1661, Louis XIV détruit pièce à pièce l’édit de Nantes, signé par Henri IV en 1598. Il interdit progressivement la plupart des professions aux protestants réformés et fait peu à peu démolir leurs temples. En octobre 1685, il ne reste plus qu’une vingtaine de temples réformés encore en service.

Le recours à la violence (dès 1681 en Poitou) va contraindre les protestants à abjurer. Terrorisés par les atrocités des dragonnades déclenchées à partir de mai 1685 en Béarn, puis Languedoc, Dauphiné, Aunis, Saintonge, Poitou, les protestants se convertissent en masse. Des communiqués triomphants parviennent à la Cour : la France est presque entièrement catholique.

Aussi le 18 octobre 1685 Louis XIV signe l’édit de Fontainebleau qui révoque l’édit de Nantes.

Le préambule de l’édit

Révocation de l’édit de Nantes © S.H.P.F.

Louis XIV, dans un long préambule, prête à son aïeul Henri IV l’intention de réunir les protestants à l’Église catholique, l’édit de Nantes et l’édit de Nîmes (paix d’Alès) par la suite n’ayant été accordés que pour pacifier les esprits.

La mort prématurée d’Henri IV puis les nombreuses guerres extérieures qui ont suivi ont empêché la réalisation de ce dessein. Maintenant que la paix est revenue, Louis XIV s’est appliqué à le réaliser. Et puisque « la meilleure et la plus grande partie des sujets de la religion prétendue réformée (RPR) » se sont convertis à la religion catholique, l’édit de Nantes est devenu « inutile ».

Le contenu de l’édit

L’édit comporte 12 articles :
1 : la révocation de l’édit de Nantes (1598) signé par Henri IV et de l’édit de Nîmes (1629) signé par Louis XIII, en conséquence :
la démolition de tous les temples encore debout
2 et 3 : l’interdiction de tout exercice de la religion prétendue réformée (RPR) y compris chez les seigneurs
4 : le bannissement dans les 15 jours, sous peine de galères, des pasteurs qui ne voudraient pas se convertir
5 et 6 : des incitations à la conversion des pasteurs : pension à vie et facilité de reconversion vers les métiers juridiques
7 : l’interdiction des écoles protestantes
8 : l’obligation aux réformés de faire baptiser et de faire instruire leurs enfants dans la religion catholique
9 : la confiscation des biens des réformés déjà partis à l’étranger sauf s’ils reviennent dans un délai de 4 mois
10 : l’interdiction aux réformés d’émigrer à l’étranger sous peine de galères pour les hommes et de prison pour les femmes
11 : la punition des relaps, c’est-à-dire des « nouveaux convertis » qui reviendraient au protestantisme
12 : l’autorisation pour ceux qui ne se seraient pas encore convertis, de résider en France, à condition d’observer les dispositions précédentes

Destruction du Temple de Charenton (94) © S.H.P.F.

L’atteinte à la liberté de conscience

Interdiction de l’exercice de la R.P.R.

Le dernier article de l’édit de Fontainebleau laissait apparemment aux réformés la liberté de conscience (à défaut de liberté de culte). En fait, il n’en est rien, nombre de protestants sont emprisonnés simplement pour avoir refusé d’abjurer. De plus des dragonnades ont encore lieu après l’édit de Fontainebleau, au nord de la Loire, pour convertir de force ceux qui ne l’étaient pas encore.

L’interdiction d’émigrer est un cas unique dans le droit européen du XVIIe siècle. L’édit de Fontainebleau, en effet, contraint les dissidents (plusieurs centaines de milliers) à se convertir à la religion du roi sans même leur laisser la liberté minimale de quitter le territoire.

Les déclarations royales postérieures à l’édit

De nombreuses déclarations royales viennent renforcer ou préciser les termes de l’édit jusqu’à la fin du règne de Louis XIV.

L’état civil pose un problème puisque les registres de baptêmes, mariages et sépultures sont tenus par les ministres du culte. Faute de pasteurs, comment enregistrer le décès de ceux qui n’ont pas abjuré ? Devant ce vide juridique, Louis XIV donne une possibilité d’enregistrement du décès auprès des autorités civiles, dès décembre 1695.

À l’approche de la mort, bien des nouveaux convertis refusent le sacrement catholique de l’extrême-onction et déclarent vouloir mourir dans la religion réformée. Pour l’empêcher, Louis XIV déclare en avril 1686 que seront punis de galère pour les hommes et de prison pour les femmes ceux qui guérissent après avoir refusé l’extrême-onction. En cas de mort, le cadavre sera traîné sur la voie publique. Mais dès l’année suivante, le roi fait recommander à ses intendants une application modérée de cette disposition. Une déclaration de janvier 1686 ordonne que tous les enfants de parents protestants, âgés de cinq à seize ans, soient confiés à des parents catholiques ou à défaut chez toute personne catholique nommée par le juge.

Une déclaration du 13 décembre 1698 vient encadrer plus strictement les nouveaux convertis en exigeant :

  • L’assistance à la messe et aux pratiques catholiques quasi obligatoire pour les seigneurs et notables,
  • L’obligation de se marier à l’église et de faire baptiser ses enfants dans les 24 heures après leur naissance,
  • L’obligation de présenter un certificat de bonne catholicité signé par le curé pour obtenir une charge juridique ou obtenir un diplôme en droit ou médecine.
Cadavre d’un protestant traîné sur la claie © S.H.P.F.

Cette même déclaration enjoint aux paroisses d’ouvrir des écoles primaires, notamment pour les enfants de nouveaux convertis. Le roi ne se faisait pas d’illusion sur la conversion des adultes, mais il espérait gagner les enfants par le catéchisme et l’instruction. En 1699 est répétée l’interdiction d’émigrer pour ceux de la RPR et pour les nouveaux convertis.

Le désarroi de la communauté protestante

Famille protestante lisant la bible et chantant, vue au XIXe siècle © S.H.P.F.

Pour ceux qui sont restés en France, sans temple, sans école et sans pasteur, le désarroi est grand. La religion structurait la vie quotidienne des protestants. Face à cet effondrement, certains interprètent ce drame à l’aide du livre de l’Apocalypse.

L’abjuration brutale et massive, sous la pression des dragons ou la menace d’enlever les enfants à leurs parents, a engendré surtout dans les territoires très protestants un profond sentiment de culpabilité collective. Les protestants qui ne sont pas convertis de cœur adoptent une double conduite : pratiquer un minimum de catholicisme au dehors et rester fidèles à leur religion et en particulier à la lecture de la Bible et au chant des psaumes dans le secret de leurs maisons. La transmission de la foi réformée à leurs enfants est très difficile, puisqu’il faut les envoyer au catéchisme catholique et dans les écoles catholiques. Mais certains défont le soir à la maison l’enseignement catholique. À cela s’ajoute les fortes amendes qui tombent sur ceux qui, restant attachés à leur foi réformée, ne pratiquent pas très assidûment les rites catholiques.

Devant tant de malheurs, les protestants s’interrogent : les dragons, la destruction des temples, l’exil des pasteurs ne sont-ils pas les signes de la punition d’un peuple impie ?

Famille protestante lisant la bible et chantant, vue au XIXe siècle © S.H.P.F.

Source : https://museeprotestant.org/

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Isabeau Vincent

Isabeau Vincent, était une jeune bergère vivant près de Crest, qui fut à l’origine du mouvement protestant appelé « les petits prophètes » dans le Dauphiné, le Vivarais et les Cévennes.

Lorsqu’Isabeau Vincent commença à travailler comme bergère pour son oncle à Saoû, entre Bourdeaux et Crest (Drôme), sa mère n’était plus en vie et son père avait abjuré sa foi (c’était avant la Révocation de l’édit de Nantes). Elle avait environ quinze ans et demi lorsqu’elle commença à parler dans son sommeil, en février 1688, et à prophétiser pendant la nuit – d’abord dans le dialecte local, puis en français. Ses « exhortations » ont eu un effet dramatique sur ceux qui se sont précipités pour entendre ce qu’elle avait à dire. Elle les appelle à se repentir, à rejeter la messe catholique romaine, à rechercher la parole de Dieu et à persévérer, malgré les persécutions qui leur sont infligées : « Repentez vous… Tenez bon et que votre foi soit toujours fondée sur Jésus-Christ (….). Parce que celui qui persévère jusqu’au bout recevra la vie éternelle, il faut souffrir pour défendre la parole de Dieu (….). Cherchez sa parole et vous la trouverez par le repentir, obéissez aux commandements de Dieu et non à ceux des hommes (…). Les méchants périront avec leur méchanceté et seront moissonnés comme l’herbe des champs qu’on met à sécher… ».

En entendant cela, beaucoup de gens pensaient qu’elle faisait référence à ceux qui les persécutaient et les torturaient. En effet, un témoin a écrit : Ce doit être l’esprit de Dieu qui parle à travers elle.

Le recueil de ses exhortations

Parmi ceux qui venaient l’écouter, un homme notait toutes ses exhortations et les envoyait à Amsterdam où elles étaient imprimées et diffusées ; ils constituaient la première partie du document intitulé Une version abrégée de l’histoire de la bergère à Saoû près de Crest dans le Dauphiné, imprimé à Amsterdam en 1688. Vous m’aviez chargé de vous donner des nouvelles de la jeune fille dont nous vous parlions (…) . La deuxième partie du manuscrit consistait en une déclaration sous serment de l’avocat Gerlan qui l’avait observée dans la nuit du 20 mai et qui avait transcrit ses prophéties.

Son arrestation

Dans sa lettre du 14 juin, le témoin indique qu’Isabeau a été arrêtée le 8 juin, emmenée à Crest, interrogée pendant plusieurs heures et incarcérée à la Tour où elle est restée jusqu’en juillet, date à laquelle elle a été transférée à l’hôpital de Grenoble. Finalement, elle fut envoyée dans un couvent où elle mourut. Mais son message ne fut pas perdu : d’autres jeunes hommes et femmes se mirent également à prophétiser : c’était le mouvement connu sous le nom des « Prophètes Mineurs ». L’un d’eux commença à prophétiser dans le Vivarais, là où d’autres commencèrent bientôt à faire de même et en 1700 dans le Bas Languedoc, il y avait un grand nombre de jeunes qui prophétisaient deux ans avant la révolte des Camisards.

À la mémoire d’Isabeau Vincent

Il y a une trentaine d’années, dans une ferme de Pervenche, en Ardèche, de nombreux documents privés, la déclaration sous serment de Gerlan et la lettre du 14 juin ont été découverts tout à fait par hasard.

Le Musée du Protestantisme Dauphinois a érigé un mémorial aux « Petits Prophètes » qui a été inauguré le 13 août 1988. Il a été placé au pied des falaises de la forêt de Saoû, à proximité de la ferme des Berles, où Isabeau Vincent avait vécu. Il rappelle que son « témoignage a conduit au début du mouvement protestant appelé les Petits Prophètes dans le Dauphiné, le Vivarais et les Cévennes ».